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Nous sortons de la voiture pour visiter les abords de l'hôtel. La terrasse surplombe les montagnes qui descendent. Des cèdres, des bouleaux, des arbustes sont accrochés dans l'escarpement visible. Ils y glissent jusqu'au lac que nous franchissions en chaland, en compagnie de notre père.

Nous entendons certains éclats d'airs de musique, de voix éparses. La fatigue s'est emparée de nous. Nous retournons à la cabane de la famille de Jacques,pour y retrouver nos femmes. Nous en serons quitte pour aller r saluer les parents avant le départ.

Le 19 juillet.

9.45 h. Arrivée à la maison. Mon épouse et les enfants se hatent vers l'entrée.J'en profite pour visiter le parc. À l'avant, la butte aux cerisiers s'est enrichie de plants de campanules. La butte a donné sa première fleur de cosmos. On peut en remarquer une autre, dans la partie latérale, du côté est.

À l'arrière, surprise! Deux hommes sont assis autour de la table de pic-nik...

- Vous êtes bien le propriétaire de cette demeure?

-En effet, Monsieur .

- Vous êtes le propriétaire de ce terrain?

- Oui... Mais est-ce un hasard que vous soyez ici?

- Non. Vous êtes en état d'arrestation.

- Mais pour quel délit?

- Vous avez sur votre terrain des plans de cannabis? La loi est formelle. Vous êtes en état d'arrestation.

- Des plans de canne à pisse? Mais qu'est-ce que c'est que ça veut dire ?

- Tout ce vous direz maintenant pourra servir contre vous.

- Puis-je dire un mot à ma femme et à mes enfants ?

- Mon assistant dira à votre femme les raisons de votre arrestation.

On me passa les menottes, les bras derrière le dos. J'eus une sensation d'asphyxie... Il me semble que je respirais avec peine! Je trouvai la manière de respirer. Mais je sentis subitement une sensation de prostration. Ma femme, mes enfants demeurés seuls sans que je n'y puisse rien... Puis j'eus le sentiment de n'être qu'une bête conduite à l'abattoir, sans savoir exactement si j'étais du bétail ou autre chose. me demandant peut-être pour la première fois qu'elles pouvaient ëtre les sentiments, sinon les sensations de l'animal... Je me suis souvenu soudainement du cochon, le seul que j'avais vu mettre à mort par saignement, dans mon enfance... L'ivresse du Christ crucifié vécut en moi. Je portais avec lui la croix! J'étais abêtis, abrutis, stupéfié! On m'emporta... Je sombrai dans une sorte d'engourdissement, d'assoupissement, de torpeur. Je n'étais plus moi. J'étais prêt à tout.

On m'amena à la prison Gomin.

-Mais c'est une prison de femmes... pourquoi m'amenez-vous-là?

-Nous n'avons plus de place ailleurs!

J'eus alors un surplus d'énergie... La testostérone? On dit plutôt que c'est une force que l'on tire de quelque part, qui vient au moment où l'être est en état de défense et qu'il doit survivre...Tout le monde connaît le mot... J'étais sous l'effet de choc paralysé par l'inattendu de l'aventure... J'avais oublié le mot exact. Mais je savais qu'il ne fallait pas utiliser cette acquis en ce moment.

On me mit en cellule. On m'enleva les menottes. Je me sentis déjà plus libre.

On me dit que j'avais droit à un avocat.

Un surplus d'adrénaline [le mot m'était venu depuis un certain temps] commença à gicler à travers mes couilles.

J'ai alors à la pensée une charmante jeune fille dont le père était l'un des meilleurs défenseurs des criminels. Cette jeune femme avait nom de Kroviro.

Pourquoi ne pas avoir une femme jolie pour ma défense? Et d'une grande compétence, d'après ce que j'avais appris à la lecture des journaux.

-Bonjour, Monsieur, fit la capitaine du logis.

J'avais déjà lu sur l'armée mais je ne connaissais rien du vocabulaire de l'internat.

On m'avait dit de ne rien dire par ce que tout pouvait aller contre moi, lors du procès.

- Puis-je faire un téléphone?

Les femmes qui m'apercevaient à travers les barreaux de leurs cellulles jubilaient!

- Un homme Stie! moé, j'aurais aimer tout lacher... Pis juste à lui voir la guitare je suis prête à rester...

- J'étais tannée d'être enfermée ici. Maintanant, c'est pu la même chose!

- Le trou dans ma bottine, je l'ai pu. Mais y'm semble que il pourrait remplir un autre!

On criait, on riait! On applaudissait.

- Un bon matin, je te verrai avec des vedettes. Tu auras les poches pleines... la bedaine vide! Tu auras rajeunis de dix ans pis tu seras super intelivent!

Je n'en revenais pas de l'accueil que je recevais de la part de ces dames. Je me demandais si je rêvais ou si j'étais éveillé! Imaginez ce que ce serait quand j'allais prendre ma douche!

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