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Les ruines de la vieille église de Notre-Dame-De-Foy, tout récemment brulée,sont sordidement tristes. Des badauds jasent près du cimetière. Le vendeur de bois est fermé. Les vacances de la construction, sans doute...
À la fenêtre-est d'une maison donnant sur le coin des rues Chemin-Ste-Foy et La-Suète, je remarque un plant de mrijeanne. Il est làa, tout juste dans le pignon. Les feuilles ont cinq doigts dentelés. Mes plants y ressemblerpont. Je reste tout de même étonné qu'on les laisse ainsi à la vue des passants.
Je descends la Suète. Les pieds me font mal. Nathalie vient à ma rencontre, à bicyclette, sur la rue D'Amours. Cette enfant me rappelle singulièrement la silhouette d'une autre fillette (hollandaise ? Je ne me souviens plus du nom) qui jouait dans une série de films... dans laquelle on décrivait des actions qui racontaient bien les rêves de l'enfance. La soirée est humide, chaude. Des gens jasent.
21.30h.
Qu'est-ce qui m'a amené à vouloir arrêter de boire ? Mais pourquoi cette question ?
D'abord, j'ai peur d'y penser. Penser à l'alcool va m'amener à en consommer. Mais non... C'est de la névrose, de l'angoisse que je fais...
Christian m'interromp. Il me demande la traduction de certains mots anglais qu'il entend à la télévision. Je ne parviens plus à me concentrer.
23.25h.
Une première observation s'impose d'emblée, dès le début de cette analyse. Je suis ( et non pas j'ai été) un buveur solitaire. C'est à peine si, depuis mon mariage, il y a douze ans, j'ai visité les bars une dizaine de fois. Même là, j'ai bu solitairement... Mais pourqui me raconter cela ? Sans doute pour essayer de comprendre, de me comprendre...
Buveur solitaire, en effet! J'ai fait planter la haie de cèedres poour pouvoir prendre mon verre de gin en toute quiétude, sans témoin. J'avais droit à mon verre! Il était pour moi la récompense du travail accompli. Etudes théoriques conduisant à de meilleurs diplômes, recherches, travail, enseignement, deux jours d'ouvrage dans un, quoi! et cela sur une durée de dix ans...
Au début, ma consommation si situait entre dix à quinze onces de gin par semaine. Je n'inclus pas, dans cette quantité, les surprise-parties. Aujourd'hui, un minimum de deux quarante onces par semaines. Deux quarante onces bus dans un fauteuil, le verre d'une main, la cigarette de l'autre. Et, depuis deux ans, jamais un reproche de Thérèse...
Avec l'arrivée du printemps, j'ai appris à déposer mon verre sur le palier de la porte arrière, à descendre l'escalier en me camouflant, à reprendre mon breuvage, après m'être assuré du regard qu'aucun voisin ne m'avait aperçu. En fait, dès mon arrivée du travail, avant de m'être installé commodément, je me servais à boire: apéro le midi, apéro avant le souper... D'autres verres avant le coucher.